Notes de présentation de Mme Céline Amnotte (*) directrice de la Bibliothèque de droit, Université de Montréal |
Le point de vue d'une bibliothécaire juridique Le
bibliothécaire juridique est un être
multiple:
Les clientèles
et les priorités des bibliothécaires de chacun des secteurs varient
beaucoup A noter, les
préoccupations des bibliothécaires juridiques concernent moins le grand
public, mais plutôt les clientèles spécialisées qu'ils
desservent Il est tout de
même important de dire que nous considérons important d'avoir un accès
gratuit aux sources primaires du droit dans une démocratie comme la nôtre,
mais pour les
clientèles spécialisées que nous desservons, la diffusion d'une
information juridique à valeur ajoutée et de la doctrine sous toutes ses
formes a une importance primordiale En préparant
cette présentation, j'ai réfléchi à certaines préoccupations
:
J'ai choisi de
porter votre attention sur la difficile articulation entre les besoins
particuliers de tous nos usagers et la confusion créée par la mutation
actuelle dans le monde de l'édition 1. Les besoins
particuliers de tous nos usagers d'abord les
avocats et les notaires praticiens
ensuite, les
clientèles des bibliothèques universitaires, professeurs, chercheurs et
étudiants de tous les cycles Les besoins
varient beaucoup. Par
exemple,
2. La confusion
créée par la mutation actuelle dans le monde de
l'édition La présence de
plusieurs publications sur différents supports et la multitude de modes
d'accès et d'interrogation sont à mon sens les principaux facteurs de
cette confusion et de la complexification des
recherches Généralement,
pris un à un les produits sont bons.
C'est leur grand nombre et leur diversité qui pose problème pour
les usagers. De plus,
beaucoup de produits sont actuellement disponibles en version papier et
électronique pour répondre
aux besoins particuliers de toutes les catégories d'usagers que nous
venons de mentionner, pouvons-nous et devons-nous toujours laisser tomber
le papier, comme le voudrait la tendance ? Ce support n'est
pas nécessairement toujours adapté au travail de recherche des juristes:
qui voudra lire un jugement de deux cents pages à l'écran ? Comment utiliser véritablement un
produit et toutes ses potentialités
si on n'a pas une licence personnelle
? Par ailleurs, il
ne faut pas s'imaginer non plus que tous nos usagers partagent le même
enthousiasme face au support informatique Par exemple,
j'ai proposé aux professeurs de la Faculté de droit de laisser tomber
certains abonnements à des feuilles mobiles pour privilégier les versions
web, ce qui, le moins que je puisse dire, n'a pas fait l'unanimité
! Je sais
pertinemment que ces réticences existent aussi dans les cabinets et les
ordres professionnels Sommes-nous là,
nous les bibliothécaires, pour forcer la transition ? ou pour satisfaire les
besoins d'information de nos clientèles et les aider à effectuer cette
transition ? Le choix de la version électronique pose
différentes questions aux bibliothécaires
: 1 -Le choix de la
version électronique suppose que nous puissions offrir suffisamment
d'accès dans nos bibliothèques ou en réseau pour compenser la consultation
et l'emprunt des multiples exemplaires
"papier"
2 - Nous
devons
prévoir la mise en place de programmes de formation documentaire et d'aide
à l'usager souples et adaptés à chaque clientèle, la multitude de modes
d'interrogation pouvant difficilement être abordée efficacement sans un
minimum de formation
4 - Le choix des
versions électroniques soulève aussi des inquiétudes quant à l'accès et à
la conservation à long terme à l'information
5 - Si on fait le choix de la publication
électronique
, il reste encore bien des
problèmes.
C'est un cliché
de dire que le marché de l'édition et de la technologie évoluent plus vite
que les moyens des individus et des organisations d'y faire
face Toutes ces
difficultés liées à la complexité des recherches, à la formation et à
l'équipement laissent souvent perdurer une situation chaotique, où
certains usagers sont plus égaux que d'autres ...
! Je pense que
nous devons nécessairement évoluer vers une approche convergente entre les
divers partenaires afin d'arriver à une gestion stratégique de
l'information et d'offrir alors un réel accès à nos usagers, organisé et
cohérent Il s'agit là de
termes bien galvaudés - stratégie -
convergence- Je parle de
stratégie au sens réel du dictionnaire où il faut coordonner les efforts
et les actions de plusieurs intervenants, dans un même objectif, soit dans
notre cas l'accès à l'information Par
intervenants, j'entends les bibliothécaires, les éditeurs, les gens des
services informatiques de nos organisations et les décideurs sur les
questions de vision et de budget Viser une
architecture d'ensemble Il ne peut être
question d'une intégration complète où il suffirait d'un seul clic (cela
nous a été demandé pour le site web des bibliothèques de l'UdeM
!) L'information
est devenue une matière complexe et qui le restera. On doit tendre à faciliter
l'accès, à réaliser une certaine intégration (portail, guichet unique,
etc. ), sans jamais oublier l'information sur
papier. Il ne faut pas
penser non plus que les juristes n'ont plus besoin de recourir "au
papier". On a longtemps
reproché aux juristes de ne pas avoir pris "le virage"; il ne faudrait pas en arriver à la
situation inverse ou le papier serait considéré comme demandant trop
d'efforts... Un avocat
responsable du recrutement dans son cabinet mentionnait dernièrement à
notre Doyen que nos diplômés sont très à l'aise avec les recherches
informatisées, mais pas très forts dans les recherches sur
papier. J'ai longtemps
entendu l'inverse comme bibliothécaire en pratique privée, où je recevais
les stagiaires à chaque année La recherche
juridique exige d'avoir compris ce qui se passe "derrière", par exemple le processus
législatif, le cheminement d'une cause dans le système judiciaire et
l'évolution des concepts au fil des modifications législatives et des
refontes: il ne suffit pas de peser sur un
bouton... Par exemple, la
semaine dernière un étudiant se demandait pourquoi il n'obtenait pas de
jurisprudence en demandant "11b Charte des droits" sur le terminal qui
donne accès au catalogue de la bibliothèque. La présence dans
les bibliothèques de professionnels compétents, agissant comme
facilitateurs, est plus importante que jamais dans ce contexte,
contrairement à ce que nous pouvions peut-être penser il y a quelques
années. La mode des
"Informations Commons" dans les universités nord-américaines en
témoigne. La volonté de
convergence entre tous les intervenants doit se traduire en actions, à
défaut de quoi nos usagers continueront de se débrouiller tant bien que
mal, en passant parfois à côté de sources importantes d'information ou en
les utilisant mal En terminant, un
dernier mot sur la présence de l'internet dans nos vies
professionnelles: La magie de
l'internet a pour effet de laisser croire aux utilisateurs que tout est
sur Internet... , et que tout ce qui s'y trouve est de bonne
qualité. Mais voilà une autre question et ce seul sujet pourrait nous occuper encore pour le reste de la journée !
(*) Nous vous présentons ici les notes utilisées
par Me Amnotte lors de sa présentation, dont il a eu l'amabilité de
permettre la publication. Il ne s'agit donc pas d'un article complet. Nous
remercions Me Amnotte de sa
collaboration. |