Allocution de Me Pierre Gauthier, directeur général Barreau du Québec |
Chères consoeurs, chers
confrères, mesdames, messieurs, J'aimerais d'abord remercier
les organisateurs de cet événement qui me permettent au nom du Barreau du
Québec de vous livrer quelques réflexions sur l'accès à l'information
juridique au Québec. Le Barreau du Québec
s'intéresse à l'accès et de la diffusion de l'information juridique depuis
plusieurs décennies. Or
ces dernières années, cet intérêt s'est transformé en une préoccupation
constante pour notre profession notamment en raison des défis auxquels
nous sommes conviés dans cette économie maintenant marquée par la
mondialisation, la globalisation des marchés, l'établissement de
consortiums, le développement des télécommunications, l'émergence de
nouvelles industries, l'introduction des nouvelles technologies, etc.
Ce ne sont là que
quelques-uns des facteurs qui nous obligent désormais à adapter notre
pratique professionnelle aux besoins de nos clients, où qu'ils se trouvent
et quels qu'ils soient, dont les activités peuvent s'exercer dorénavant
certes localement, mais aussi d'un continent à l'autre peu importe les
fuseaux horaires, les langues, les gouvernements en place ou les
législations en vigueur.
À cela s'ajoutent d'autres
réalités telles l'exercice de la profession dans un contexte de plus en
plus concurrentiel, la multidisciplinarité, l'augmentation des coûts
d'accès la justice, les comportements et les exigences d'un justiciable
mieux informé comme citoyen et plus mobile comme travailleur, ou même
d'une entreprise ou d'une administration évoluant dans un monde non
seulement local, mais où les frontières n'existent
plus. Un scénario
d'adaptation Dès 1996, le Barreau a
entrepris une importante réflexion sur l'avenir de notre profession qui
concluait à la nécessité d'adapter notre pratique professionnelle pour
être en mesure de faire face aux nouveaux enjeux économiques et
technologiques du millénaire qui débute. C'était, vous vous en souvenez,
le Scénario Singapour. Un des objectifs majeurs du
plan d'action retenu alors par le Barreau du Québec est celui de
l'intégration de l'information juridique à la prestation des services
juridiques. En effet,
l'information juridique de base constitue le plus souvent la matière
première du travail de l'avocat, quel que soit son milieu de travail. Il doit tour à tour en prendre
connaissance, la vérifier, l'utiliser, l'expliquer, l'interpréter, s'y
conformer ou la contester pour représenter les intérêts de ses
clients. Le Barreau du Québec définit
l'information juridique de base comme suit : -
la législation et la réglementation des gouvernements fédéral, provincial
et des municipalités ; -
les jugements et les décisions rendus par les tribunaux judiciaires
fédéraux, provinciaux et municipaux et par les tribunaux administratifs
fédéraux et québécois. L'information juridique de
base est complétée par : -
les ententes, les directives, décisions et ordonnances émises par les
organismes administratifs ou de régulation ; -
les registres gouvernementaux tels les registres d'entreprises, fonciers
et de renseignements personnels. Dans le cadre de son travail,
l'avocat doit pouvoir s'assurer que l'information juridique de base
utilisée possède les caractéristiques suivantes : *
Elle doit offrir une garantie d'authenticité et
d'intégrité; *
Elle doit être clairement identifiée de façon à ce qu'on ne puisse la
confondre avec des produits dérivés n'ayant aucune valeur
officielle; *
Elle doit être mise à jour régulièrement et rapidement;
*
Elle doit être accessible facilement. Il nous apparaît essentiel
que les gouvernements prennent tous les moyens nécessaires pour garantir
l'authenticité, l'exactitude et l'intégrité des données juridiques brutes
produites par les divers organismes sous leurs responsabilités. C'est leur
devoir. Les gouvernements doivent
aussi assurer la refonte permanente des Lois et des règlements de même que
leur traduction et leur diffusion sans délai. Pour une politique sur
l'information juridique Depuis 1996, le Barreau du
Québec a multiplié les démarches auprès du ministère de la Justice du
Québec pour qu'il améliore l'accès et la diffusion de l'information
juridique de base tant pour le justiciable que pour la communauté
juridique. Dans son
mémoire déposé en janvier 1996, il a
demandé au ministre d'élaborer et de mettre en place une politique
générale sur l'information juridique en concertation avec tous les
intervenants du milieu pour mieux répondre aux besoins des diverses
clientèles tout en tenant compte des profonds changements survenus sur les
plans économique et technologique. Le Barreau a souvent insisté
sur les objectifs de cette politique sur l'information juridique de base, à
savoir : * Endiguer le flot législatif
et réglementaire ; *
Améliorer les délais de mise à jour,
production et diffusion de l'information législative et
réglementaire ; *
Assurer la refonte permanente des Lois et des règlements
; *
Aplanir les difficultés de repérage par la production d'outils performants
tant pour la législation, la réglementation que la jurisprudence
; *
Améliorer les délais de traduction des lois et
règlements. Le Barreau a aussi demandé
que cette politique favorise l'accès à la jurisprudence administrative et
encourage les éditeurs privés dans la production de nouveaux outils de
recherche. Nous sommes tous d'accord
pour reconnaître les avantages de l'utilisation des nouvelles technologies
qui permettent de faire
connaître davantage le droit québécois au reste du monde, tout en en
assurant une diffusion plus large à des clientèles plus
variées. Suppléer aux
lacunes Pendant ces cinq dernières
années, les besoins de nos membres se sont transformés à un point tel
qu'il est devenu urgent de suppléer aux lacunes signalées au ministre de
la Justice en matière d'accès et de diffusion de l'information
juridique. C'est ainsi que le
Barreau a dû négocier, il y a quelques années, un contrat avec l'Éditeur
officiel du Québec pour
faciliter l'accès gratuit pour ses membres aux textes des Lois et
des règlements du Québec par
le biais de son site Internet. Si cette initiative a
remporté un vif succès auprès de nos membres, elle nous laisse toutefois
perplexes face au
gouvernement qui remplissait mal son rôle de producteur et de
diffuseur de l'information juridique de base. Les statistiques cumulées pendant
la durée de ce projet, confirment que nos membres utilisent largement
l'information législative et réglementaire, mais ça, nous le savions déjà.
Cependant, cela nous indiquait aussi que la pénétration des nouvelles
technologies et de l'Internet avait augmenté au sein des cabinets
juridiques. Par la suite, le ministère a
enfin décidé de donner un accès gratuit à tous les justiciables aux Lois et règlements du Québec sur son
propre site Internet. Je
profite de l'occasion pour saluer ici le travail de la petite équipe qui
œuvre aux Publications du Québec qui a réalisé et tient à jour ce
site. Je m'interroge cependant sur
le fonctionnement et sur l'efficacité du système de production et de diffusion du gouvernement
lorsqu'il s'agit de l'information juridique législative et réglementaire.
Compte tenu justement des possibilité offertes maintenant par la
technologie, il m'apparaît inacceptable que les justiciables et les membres de la communauté juridique
ne puissent compter, sur
Internet, sur des Lois et Règlements mis à jour quotidiennement ou à
tout le moins hebdomadairement.
À l'heure actuelle, seule la Gazette officielle du Québec est
disponible chaque semaine
moyennant, malheureusement, des coûts d'abonnement. Je m'explique mal pourquoi il
m'est possible de lire mon
quotidien préféré sur Internet, de vérifier mon portefeuille
d'actions sur divers sites tous plus documentés les uns que les autres, de
réserver un billet d'avion ou d'acheter mes livres sur Internet, mais
qu'il m'est difficile et laborieux de consulter gratuitement sur le site
gouvernemental une modification législative effectuée à une loi il y a
plus de trois mois
! On s'attendait à ce que
l'utilisation des nouvelles technologies pour la production, le traitement
et la diffusion électronique de l'information juridique de base permette
de diminuer sensiblement les délais de publication que nous avons tous
connus avec les Lois refondues sur feuilles mobiles. Or il semble que le système de
production du gouvernement ne réussisse pas à rattraper ce
retard. La situation est tout aussi
problématique, sinon plus, lorsqu'il s'agit de se référer aux versions
anglaises des Lois et des règlements. Encore une fois, dans un contexte
économique davantage axé sur la mondialisation, il est difficile pour nos
membres d'accompagner les justiciables et les clients dont les activités
dépassent les frontières du Québec, tout comme d'accueillir d'éventuels
citoyens et investisseurs et de leur expliquer le contexte législatif et
réglementaire qu'ils devront connaître pour venir au Québec. À l'heure actuelle, la
consultation et la mise à jour d'une loi ou d'un règlement dans sa version
anglaise constitue un défi en soi. De nouveaux
outils En matière de jurisprudence,
le Barreau a dû aussi opérer un changement pour mieux répondre aux besoins
de ses membres. Pendant
plusieurs années, les membres du Barreau ont pu compter sur des outils de
travail disponibles sur
papier préparés par la SOQUIJ
à savoir, les Recueils de jurisprudence du Québec et l'Annuaire de
jurisprudence et de doctrine du Québec. Or les membres du Barreau
visaient un accès à un plus grand nombre de jugements. Ils souhaitaient obtenir cette
information rapidement et à un coût raisonnable, la repérer aux moyens de
moteurs de recherche souples, efficaces et faciles d'utilisation. De plus, le médium
électronique était largement réclamé. Le défi consistait donc à définir un
produit électronique qui réponde davantage aux besoins de nos membres, en
conservant un rapport qualité/prix avantageux tout en fournissant une
masse documentaire jurisprudentielle plus importante.
Après un appel d'offres
auquel ont répondu plusieurs éditeurs privés et publics, le Répertoire électronique de
jurisprudence du Barreau
(REJB) a été offert à compter de juin 1997 à la fois sur CDROM et
sur Internet, soit au moins un an et demi avant Azimut, service offert par
la SOQUIJ. Plusieurs y ont vu
une concurrence en règle aux produits déjà offerts sur le marché. Il s'agissait plutôt pour le
Barreau du Québec d'une part de répondre aux pressants besoins de ses
membres, et d'autre part d'utiliser cet outil comme un moyen supplémentaire d'inciter davantage
d'avocats à prendre le virage technologique et à intégrer l'information
juridique à la prestation de leurs services. Le REJB est en constante
progression. Nous n'avons pas
la prétention de le présenter comme étant la solution à tous nos problèmes
de recherche jurisprudentielle.
Cependant, grâce à la qualité du travail réalisé avec notre
partenaire Les Éditions Yvon Blais, qui a su nous proposer des solutions
imaginatives, je peux vous
dire que les avocats et avocates du Barreau ont apprécié cet outil de
recherche à un point tel que le Conseil général de décembre 1999 a exigé
que le Barreau en assure un accès gratuit à tous ses membres, à tous ses
stagiaires et étudiants au Barreau, en plus de le fournir aux facultés de
droit. Cette décision comporte aussi
d'autres avantages qui méritent d'être soulignés. D'une part, le Barreau s'assure
que les jeunes praticiens disposent d'une bonne base de recherche
jurisprudentielle. D'autre
part, les praticiens déjà établis, en plus de bénéficier de cette base,
peuvent aussi consacrer les sommes dégagées à l'acquisition de produits
électroniques plus spécifiques à leurs activités, lesquels sont offerts
par divers éditeurs. Enfin,
la mise en marché du REJB et l'accès gratuit décidé en 1999 ont accéléré
la familiarisation de nos membres avec les outils électroniques en plus de
développer leur intérêt dans ce domaine. Il m'apparaissait essentiel
de vous relater ces deux expériences non pas pour vous dire à quel point
le Barreau travaille fort ou bien, mais plutôt pour vous démontrer à quel
point nous considérons l'information juridique de base comme essentielle
dans notre pratique professionnelle. Ces expériences nous ont
amenés à formuler divers constats et diverses attentes quant au rôle du
gouvernement en matière d'accès et de diffusion de l'information juridique
de base. Je vous en livre
quelques-uns. Les attentes de la communauté
juridique Il faut bien avouer que les
ressources consacrées par le gouvernement à la production, au traitement,
à l'accès et à la diffusion de l'information juridique de base sont
insuffisantes. Les problèmes
énumérés précédemment en témoignent. Les projets réalisés
par le Barreau l'ont été
aussi en raison du retard et
de l'inefficacité du gouvernement en matière d'accès et de diffusion de
l'information juridique de base mais aussi à cause des coûts exigés pour
l'obtention de la jurisprudence. Quant à la production de
l'information juridique de base Le gouvernement doit être en
mesure de garantir le caractère officiel de l'information juridique de
base, d'en protéger l'intégrité et d'en assurer la conservation. Il est donc essentiel qu'il
soutienne et améliore sensiblement la production de l'information
juridique de base. Il doit la
coordonner, développer des normes de production et fournir la technologie
requise. Le gouvernement doit obliger
tous ses organismes producteurs d'information juridique de base à adopter
des normes de rédaction uniformes, quitte à leur fournir des modèles de
rédaction pour les jugements et les décisions administratives. L'adoption de la norme SGML
(langage normalisé de balisage généralisé) doit être considérée, compte
tenu des avantages qu'elle présente pour le transfert électronique des
données. Le gouvernement doit
s'intéresser à des projets pour faciliter la citation des documents
électroniques et même imposer cette norme s'il y a
lieu. Enfin, il nous apparaît
essentiel de centraliser le versement des données brutes pour en contrôler
la qualité de présentation et accélérer les processus de traitement en vue
de la diffusion de l'information juridique, qu'elle soit électronique ou
autre. Quant au traitement de l'information
juridique de base a) En matière
de législation et de réglementation Le gouvernement doit
faciliter la consultation des lois et des règlements du Québec à jour de
même que de leurs versions historiques. Les moyens de diffusion
électroniques accélèrent grandement le repérage , cependant la facilité
d'utilisation des outils d'interrogation conviviaux suppose qu'un
important traitement de l'information a été effectué. Le gouvernement doit donc
effectuer un traitement rapide des lois et des règlements pour qu'ils
constituent des documents facilement repérables et rapidement
disponibles. Ce traitement se traduit,
entre autres, par le balisage des documents, la constitution des index,
tableaux sommaires et tables des matières électroniques ou papiers, le
suivi des modifications, la mise à jour et la refonte des lois et des
règlements, l'élaboration des banques contenant les versions antérieures,
l'établissement des liens hypertextes entre une loi et ses règlements ou
entre les diverses versions d'une même loi ou d'un même
règlement. Par ailleurs, la conception
de produits à valeur ajoutée telles des lois annotées, l'analyse de l'état
du droit dans un domaine précis, etc. devrait être assurée par le marché
de l'édition privée. b) En matière de
jurisprudence En ce qui concerne les moyens
d'accéder à cette information, le Barreau comprend qu'une valeur ajoutée
puisse faciliter le repérage d'une information pertinente. Toutefois il n'appartient pas au
gouvernement de produire une valeur ajoutée de haut niveau. Le Barreau considère que le
gouvernement doit effectuer un premier niveau de traitement de
l'information juridique de base, à savoir le versement dans l'entrepôt
électronique des jugements - dont nous attendons tous fébrilement la
diffusion - où il serait
possible de repérer ou regrouper les jugements ou les décisions par
juridiction, par numéro de jugement ou de décision, par nom du décideur,
par noms des parties, par
dates, par domaines de droit. Il appartient davantage au
marché de l'édition privée de répondre aux besoins de recherche juridique
plus précis de la communauté juridique et d'œuvrer pour la conception
d'une valeur ajoutée plus poussée.
Celle-ci peut se
traduire par la production de produits dérivés comportant une information
juridique de base enrichie par le biais de résumés, d'analyses,
d'annotations, de commentaires, repérable par des critères de recherche
autres que ceux mentionnés précédemment, ou sélectionnée en raison d'un
intérêt spécifique. Le gouvernement doit
cependant garantir le même accès pour tous à cette matière première au
plus bas coût possible, tenant compte des frais engagés pour la
préparation matérielle de cette information, sa fourniture et le support
sur lequel elle est présentée. En résumé, nous croyons
préférable que le gouvernement ne puisse à la fois prendre en charge la
production et la diffusion de l'information juridique de base et agir
comme éditeur de produits à valeur ajoutée. Il lui faudrait donc s'assurer
que l'ensemble de ses organismes producteurs d'information juridique de
base évitent de consacrer les deniers publics à la conception de produits
à valeur ajoutée destinés à répondre davantage à des besoins de recherche
spécialisée. Cela ne les
empêche pas cependant de favoriser ou de faciliter les projets que peuvent
lui soumettre l'entreprise privée ou d'autres partenaires en autant
qu'aucun privilège d'accès ne soit accordé ou reconnu à une entreprise
plus qu'à une autre ou aux dépens d'autres. Quant à l'accès à
l'information juridique de base a) En matière de législation et de
réglementation Le Barreau considère que les
lois et les règlements, tant dans leur version française qu'anglaise,
doivent être accessibles à toute la population sans frais et de façon
simultanée. En effet,
l'accessibilité à la justice exige l'accessibilité aux sources de
droit. Une société libre et
démocratique, une société de droits, est fondée sur la publicité des lois
et des sources de droit. Il
appartient au gouvernement de diffuser, par le biais d'un guichet unique,
la législation et la réglementation tout au long du processus, qu'il
s'agisse de la présentation des projets de loi, de leur sanction, de la
modification ou de la mise à
jour d'une loi ou d'un règlement, de l'adoption d'une nouvelle loi ou d'un
nouveau règlement, etc. Le justiciable doit pouvoir consulter le tout
facilement et en toute confiance. Le gouvernement doit donc
effectuer un traitement de la législation et de la réglementation pour en
faciliter le repérage et la consultation. Il doit assurer la refonte
permanente des lois et règlements dans de biens meilleurs délais et plus
efficacement qu'il ne le fait à l'heure actuelle. Il doit aussi produire les
codifications administratives, les index de recherche, en coordonner la diffusion
électronique et la publication. b) L'accessibilité à la
jurisprudence L'accès aux décisions des
tribunaux et instances juridictionnelles pose un problème différent. Le Barreau croit que le rôle du
gouvernement consiste d'abord à rendre accessible, par le biais de
l'entrepôt électronique, toute l'information juridique de base, qu'elle
émane d'un tribunal
judiciaire ou administratif.
En effet, le justiciable, ou l'avocat qui le représente, doit
pouvoir bénéficier des mêmes privilèges d'accès aux sources d'informations
que les représentants du gouvernement. Il n'appartient pas au
gouvernement d'en restreindre l'accès par quel que moyen que ce soit. Les diverses banques de
données mises sur pied dans les organismes producteurs contenant les
textes intégraux de décisions, jugements ou ordonnances doivent aussi être
accessibles au justiciable ou à l'avocat qui le représente. Le patrimoine juridique du
Québec Le Barreau du Québec
considère que le gouvernement est le gardien du patrimoine juridique
québécois. En ce sens, il
doit assurer la conservation des données juridiques brutes et voir à leur
archivage ou à leur stockage de façon efficace et sécuritaire, tant pour
la jurisprudence que pour la législation et la réglementation. Nous pensons que cette
responsabilité ne saurait être confiée au secteur
privé. Par contre, nous sommes
préoccupés quant aux moyens de protection retenus pour la sauvegarde de
cette information. On assiste
à des changements constants dans le domaine économique. Des entreprises naissent et disparaissent rapidement. S'en remettre entièrement au
secteur privé, dont l'objectif vise d'abord la rentabilité, pour la
conservation de notre patrimoine juridique nous apparaît comme une voie à
éviter. La conservation des textes
législatifs et réglementaires suppose qu'on sauvegarde les diverses
versions. En effet, il faut
toujours pouvoir connaître l'état du droit à un moment donné. Il faut que le gouvernement
archive avec rigueur les versions officielles et historiques de cette
information juridique de base.
La diffusion électronique offre certes des avantages fort appréciables
mais nécessite toutefois qu'on s'intéresse davantage à des moyens
technologiques à mettre en place pour récupérer les données qui permettent
de recréer une loi ou un règlement à une date précise dans le
temps. L'utilisation grandissante
des technologies pour la production et la diffusion de l'information
juridique de même que la diversité des plates-formes informatiques souvent
incompatibles, le recours à des moteurs de recherche complexes et à des
interfaces disparates nécessitent que le gouvernement adopte des mesures
de contrôle pour s'assurer de récupérer les données brutes quels que
soient les producteurs ou la provenance de cette information, les plates-formes ou systèmes
technologiques employés. Quelle structure
? À
l'heure actuelle le Barreau constate la confusion causée par la
multiplicité des organismes producteurs et des organismes diffuseurs,
lesquels relèvent de ministères différents, ce qui ajoute à la complexité
du problème. La présence de
certains de ces acteurs est essentielle à l'exercice des pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire sur lesquels s'appuie notre système
politique. Le gouvernement
gagnerait toutefois à réduire le nombre d'intervenants pour la mise en
œuvre et le suivi d'une politique en information
juridique. Quelle que soit la structure
privilégiée pour ce faire, il demeure primordial que le gouvernement
favorise l'application des principes suivants : *
L'organisme désigné pour assurer la mise en œuvre et le suivi de la
politique doit remplir d'abord un rôle de coordination auprès de tous les
organismes producteurs d'information juridique de base en vue d'organiser
et de contrôler la production, la conservation, le traitement nécessaire à
la diffusion de l'information juridique de base; *
cet organisme élaborera les normes et directives requises à ces fins et
exploitera l'informatique et les technologies pour favoriser l'accès des
justiciables et du monde juridique à l'information juridique de
base; *
il assurera l'authenticité, la qualité et l'intégrité de cette information
et se portera garant du caractère officiel de l'information juridique
qu'il diffuse; *
il assurera, enfin, le traitement de premier niveau décrit
précédemment. En conclusion, je dirai que
le Barreau souhaite voir le gouvernement s'intéresser aux priorités
suivantes : * Élaborer une politique
globale sur l'accès et la diffusion de l'information
juridique; *
Clarifier les rôles et fonctions de la Commission de refonte des lois et
des règlements et des Publications du Québec pour faciliter et accélérer
la production et la diffusion de la législation et de la
réglementation; *
Rendre accessible la version anglaise des lois et des règlements en même
temps que la version française; *
Amorcer une refonte permanente des règlements; *
Rendre accessible l'entrepôt électronique des jugements dans les plus
brefs délais; *
Faciliter l'accès à la jurisprudence administrative; *
Officialiser la version électronique des lois et des règlements du
Québec. Nous
espérons que ces commentaires peuvent enrichir notre discussion et
alimenter notre réflexion. Le
Barreau demeure toujours disponible pour collaborer à l'avancement de ce
dossier.
MERCI |