========== Université de Montréal, Faculté de droit =========


INTRODUCTION



Remontant à une certaine époque non trop lointaine de plus ou moins un demi-siècle à peine, les huissiers du Québec d'alors étaient soumis à la «Loi des privilèges des juges de paix, des magistrats et autres officiers remplissant des devoirs publics»[1].

Dans l'éventualité de prendre action contre eux, l'art. 5 de cette loi leur donnait une immunité relative et stipulait:

"qu'aucune telle action ou poursuite ne pouvait être intentée contre un juge de paix, un officier ou toute autre personne agissant comme sus-dit, pour un acte qu'ils ont fait dans l'exécution de leurs devoirs publics, àmoins qu'elle ne soit commencée dans les six mois qui suivait la commission de l'infraction".

Cette loi fût abrogée par la loi du 31 mars 1966, ch.9, toutefois, les juges possèdent actuellement, quant à eux l'immunité absolue dans l'exercise de leurs fonctions mais répondent présente-tement de leurs actes et agissements par une procédure de déontologie judiciaire instituée par le Gouvernement du Québec en 1978 et dont le conseil est composé de dix magistrats, deux avocats et deux membres du public. Lorsqu'une plainte est introduite devant le comité disciplinaire qui se nomme: " Le conseil de la Magistrature ", ce banc comportera alors trois magistrats, un avocat et un membre du public et instruira la dite plainte. A moins qu'il ne s'agisse de destitution, dans le cas d'un juge d'un tribunal fédéral, c'est le parlement de nomination qui en disposera par une procédure de droit anglais appelée: "l'impeachment" et qui demeure aujourd'hui le seul recours ouvert contre un juge prévaricateur ou concussionnaire. Quant aux autres juges de nomination ou de juridiction provinciale (environ 390 juges), c'est le Conseil susdit qui disposera des plaintes et qui pourra dans les cas graves recommander au Ministre de la Justice d'engager une requête en destitution à la Cour d'appel du Québec, toutefois ce conseil ne peut à ce jour qu'adresser comme peine qu'une réprimande s'il en arrive à la conclusion que la plainte maintenue ne justifie pas une destitution.

Quant aux huissiers de justice du Québec, suite à l'audition d'une plainte lorsque fondée, le Comité de discipline introduit par la loi de 1974 est composé d'un avocat, d'un huissier de justice en exercise et d'un membre du public, ce comité a le pouvoir d'imposer à l'huissier fautif une ou plusieurs des sanctions prévus à l'art. 12.9 de la Loi sur les huissiers de justice et selon la gravité ou la fréquence du manquement aux prescriptions de la loi ou des règlements, tels que:

a) la réprimande;

b) une amende d'au moins 250.$ et d'au plus 1,000.$;

c) la suspension du permis pour une période minimale d'un mois et maximale de 12 mois;

d) la révocation du permis ainsi que la période pendant laquelle il ne peut formuler de nouvelle demande de permis.

Dans les cas de destitution ce sera en finalité le ministre de la justice qui révoquera le permis de pratique de l'huissier-intimé suite à une décision ou d'une révocation du dit permis par le susdit comité de discipline allant dans ce sens. Cette suspension ou révocation du Comité ou du Ministre pourra toutefois, en tout état de cause faire également l'objet d'une procédure d'appel par l'intimé devant un tribunal de la Cour du Québec, la décision du juge sera alors sans appel.

A priori, il va donc de soi, qu'aujourd'hui au Québec, la responsabilisation de l'huissier de justice libéral s'est accrue puisqu'il répond de ses actes tant sur le plan civil que disciplinaire et qu'aucun privilège ne lui a été expressément conservé ou dévolu par quelque loi que ce soit.

Bien que la jurisprudence soit muète en matière de saisies de données et de biens informatiques à l'encontre des huissiers, cela ne veut pas dire que nous devons pour autant rester bouche close et attendre qu'elle se produise. C'est pourtant quotidiennement que les huissiers de justice doivent faire face à des situations particulières pour ne pas dire ambigues à l'intérieur de l'exercise que confère leur ministère et qu'il y a donc lieu de se poser les questions appropriées confrontés à cette matière spécifique et de droit nouveau.

Forçe-nous étant de constater que, de nos jours, l'outil informatique a vu son utilisation se développer de plus en plus.

Quelle entreprise ne recourt-elle pas aux bons soins de l'ordinateur?

Nous, huissiers de justice de même que l'ensemble des professions libérales (médecins, avocats, notaires, architectes, comptables, etc..) en sont aussi, de plus en plus outillés.

Même les particuliers les utilisent à des fins de gestion de leur ménage, voire à des fins ludiques.

On le voit, l'informatique n'est plus le seul fait des grandes organisations.

Grâce à la simplification d'emploi de ses appareils, l'informatique n'est plus réservée aux seuls experts.

C'est la raison pour laquelle les créanciers sont de plus en plus amenés, pour l'exécution des décisions et autres actes authentiques leur conférant des droits, à devoir saisir, par la voie de saisie-conservatoire ou d'exécution, des "biens et/ou des données informatiques" considérés comme éléments du patrimoine de leur débiteur ou encore faisant partie intrinsèque des avoirs d'un tier, telles des " données particulières " subtilisées en fraude d'un justiciable.

Il appartient, de ce fait, à l'avocat ainsi qu'à l'huissier de justice, de connaître la nature des droits possédés par l'utilisateur et le fournisseur sur cet " outil " ou ces "données" informatiques.

Ainsi, à l'instar de nos collègues Belges, les huissiers du Québec se posaient eux aussi certaines interrogations. Le destin faisant souvent bien les choses, nous mît en contact avec certaines personnes qui croyons-nous, permirent en très grande partie de proposer des réponses à nos questionnements.

Dans cette recherche ci-après exposée, nous aimerions particulièrement remercier Maître André Mouton, huissier de justice à Liège (Belgique) pour en avoir lancé l'idée dès 1987 et ainsi commander à son stagiaire de l'époque le collègue Luc Chabot, licencié en droit qui eu quant à lui, la lourde tâche de faire une étude sur le sujet laquelle se retrouve mixée et intégrée dans sa très grande intégralité au présent ouvrage et avec l'assentiment de l'auteur.

Il nous est aussi agréable de citer celui qui fît le lien entre nos mutuelles interrogations et qui n'est aucunement étranger à l'obtention des réponses à nos questions, le Pr. Georges de Leval, professeur de droit à l'Université de Liège qui est et demeurera pour nous tous une véritable encyclopédie vivante.

Nous remercions également notre confrère parisien Me Jean-Pierre Faget également professeur à l'Université de Poitiers pour l'intéressante documentation sur l'informatique ainsi que tous les confrères qui, de près ou de loin ont collaboré à ce passionnant travail.


Un remerciement tout particulier est dirigé à notre Président Me Baudouin Gielen qui a su faire entériner les intéressantes commissions de ce Congrès à la réunion de Vienne (Autriche) et particulièrement la suggestion du Québec, sans laquelle, le présent travail n'aurait pu naître.

Finalement, nous ne pourrions passer sous silence l'immense talent et la très grande patience de notre distinguée rapporteur-général Maître Marie-Thérèse Caupain qui a su donner confiance et persévérance à notre commission devant traiter du sujet.

André Mathieu, huissier de justice à Montréal (Québec)
rapporteur

André Mathieu est associé à l'étude d'huissiers de justice Paquette & associés, et dont le siège social est:

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«La justice est une machine qui, ayant reçu une poussée de quelqu'un, continue de rouler d'elle-même.»

J. GALSWORTHY, Justice, II.

L'Union Internationale des Huissiers de Justice et Officiers Judiciaires siège:

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[1] Loi des privilèges des juges de paix et des magistrats (S.R.Q.1941, ch.18, art.5) En ce sens Laboissière c. Dagenais-Beauharnois. 8852/24-03-52 Juge André Demers. (retour)


C.L. octobre 1995