DIRECTEUR TECHNIQUE, SERVICES INFORMATIQUES
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
D'entrée de jeu, disons d'abord que l'Internet est avant tout une passionnante aventure technologique, politique et sociale qui a commencé aux États-Unis, dans le milieu universitaire, il y a une quinzaine d'années et qui se poursuit maintenant dans un grand nombre de pays à travers le monde. De quelques dizaines de milliers d'usagers en 1984, l'Internet s'est développé à un rythme phénoménal, au point où on ne sait plus très précisément combien il y a d'usagers aujourd'hui. Selon les différentes études qui ont été faites sur la question, on estime le nombre d'usagers à environ 15 millions, plus ou moins 30%, compte tenu de l'erreur inhérente au processus d'échantillonnage.
Sur le plan technique, compte tenu de l'importance qu'a pris l'Internet dans les institutions universitaires et de la grande visibilité dont il jouit présentement dans les médias, l'Internet demeure malgré tout une organisation étonnamment simple. En quelques mots, ce super réseau est basé sur des infrastructures de télécommunication plutôt modestes, un ensemble minimal de protocoles d'échange de données et un espace d'adressage qui permet aux entités membres de l'Internet de communiquer entre elles, le tout coiffé par un centre d'information (NIC: Network Information Center). Le gros des investissements financiers réside dans le parc informatique situé à la périphérie du réseau, c'est-à-dire dans les organisations membres.
En ce qui concerne les coûts d'opération, ils sont relativement faibles si on les compare aux coûts des services analogues offerts par les firmes commerciales de télécommunication. En fait, l'Internet est basé en très grande partie sur des circuits loués aux firmes de télécommunication, soit à l'échelle régionale, nationale ou internationale. Comme il s'agit de circuits dédiés, ils ne sont pas assujettis aux tarifs d'utilisation à la durée ou au volume comme le sont les services offerts aux usagers résidentiels ou commerciaux. Vu sous cet angle, l'Internet est une entreprise de télécommunication à but non lucratif et qui est indirectement subventionnée par ses partenaires.
En fait, l'importance de l'Internet réside essentiellement dans les contributions de ses membres. C'est là que repose la richesse et le dynamisme de ce réseau. Une richesse qui est constituée par ce que les membres des différentes organisations y apportent d'une part, par la très grande "connectivité" qu'il permet, et par les nombreux types d'interactions qu'il permet de créer et qui ne sont pas sans poser toutes sortes de nouveaux problèmes que personne n'aurait pu imaginer au départ.
Vers la même époque, le Advanced Research Project Agency (ARPA), un organisme du ministère de la défense des États-Unis responsable de coordination des activités de recherche militaire, avait pour projet de mettre sur pied un réseau de télécommunication informatique pour permettre aux chercheurs universitaires et aux fournisseurs militaires travaillant sur des contrats de la défense, de s'échanger des données et de coordonner leurs activités de recherche. Plutôt que de confier aux firmes existantes le mandat de développer un réseau sur mesure pour répondre aux besoins des chercheurs, ARPA a confié aux chercheurs eux-mêmes le mandat de développer un réseau expérimental qui répondrait aux besoins exprimés dans le rapport RAND. C'est ainsi qu'est né le réseau ARPANET.
Les principaux objectifs du projet ARPANET étaient les suivants:
* le réseau devait être construit en utilisant des technologies éprouvées et des équipements disponibles sur le marché: liens de communication conventionnels, modems, ordinateurs, etc.;
* le réseau ne devait pas dépendre de façon critique de la supervision en temps réel d'un centre de contrôle;
* le réseau devait être conçu de manière à ce que les coûts d'opération puissent être répartis entre les différents partenaires;
* l'architecture du réseau devait être suffisamment extensible et permettre une croissance pratiquement illimitée.
La décentralisation des centres de contrôle comportait également un avantage économique important eu égard au mode de financement des centres de recherche. En étant très décentralisé, le financement du développement pouvait être assuré en grande partie par les différents partenaires, et de son côté, l'ARPA n'était pas obligé de maintenir à grands frais, des infrastructures de support central.
Les objectifs de décentralisation visés initialement dans ARPANET s'appliquent toujours et on les retrouve dans la philosophie actuelle de développement de l'Internet.
Quant à la possibilité pour des institutions, dans d'autres pays, de se relier à ARPANET, il ne fallait pas y penser, si ce n'est qu'à travers des passerelles fortement surveillées qui laissent filtrer un peu de courrier électronique.
Aussi, vers 1984, le National Science Foundation (NSF) a été invité par les grandes agences de recherche du gouvernement américain à prendre la relève de l'ARPA et à poursuivre le développement du réseau à l'ensemble des institutions universitaires et aux organismes de recherche, et éventuellement à développer le volet international.
La première action de NSF fut de mettre sur pied un réseau national (NSFNET) permettant d'interconnecter les principales régions des États-Unis et de financer l'établissement de réseaux régionaux afin de permettre aux universités de rejoindre les centres nationaux d'interconnexion. Une fois les réseaux régionaux en place, il ne restait plus aux universités qu'à se doter d'équipements peu dispendieux pour s'y raccorder.
De 1984 à 1988, le réseau NSFNET a connu un essor phénoménal. De quelques centaines d'ordinateurs en 1984, en 1989 le réseau comptait au-delà de 100,000 systèmes. C'est alors que la demande a commencé à se faire sentir ailleurs, et plus particulièrement au Canada à cause de la proximité de la frontière américaine et que des organismes analogues à NSF dans d'autres pays ont commencé à négocier l'installation de passerelles à l'échelle internationale.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. En un temps record le réseau national CA*Net (l'équivalent canadien de NSFNET) a été mis sur pied. En même temps des réseaux régionaux étaient mis en opération. Au Québec, le réseau régional s'appelle RISQ (Réseau inter-ordinateurs scientifiques québécois). Il a été mis sur pied grâce à l'initiative du Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM) et des universités. Des développements semblables ont été faits dans les autres provinces: Ontario, Nouvelle-Écosse, Colombie-Britanique, etc.
Présentement, le réseau RISQ compte 22 membres principaux qui communiquent par des lignes à grand débit, et au delà d'une cinquantaine de membres affiliés qui communiquent par des lignes à plus faible débit. Pour le moment, les membres affiliés au réseau RISQ sont surtout des organismes à but non lucratif, et dans le cas des entreprises commerciales, l'utilisation qui est faite du réseau se limite en grande partie aux échanges d'informations à caractère non commercial.
Parallèlement au début de la commercialisation de l'Internet, en 1993, des tractations ont eu lieu au niveau politique en vue de transférer aux mains de l'entreprise privée le réseau NSFNET, lequel, à compter d'avril 95, devra faire ses frais. Il est prévu que les universités recevront des subventions directement du NSF pour payer les coûts d'utilisation des infrastructures qui étaient auparavant offertes gratuitement par NSF.
On peut entrevoir un mouvement analogue au Canada au cours des prochaines années et qui, à la longue, pourrait changer considérablement le visage de l'Internet. D'autre part, il convient de signaler que depuis les dernières élections présidentielles aux États-Unis, on parle de plus en plus d'un projet d'autoroute électronique qui engloberait les autres formes traditionnelles de communication, comme la voix et l'image, et qui impliquerait les compagnies de téléphones et les câblo-distributeurs. Les discussions en ce sens vont bon train au Canada et les alliances sont en train de se faire entre le gouvernement et les partenaires industriels.
Il est encore trop tôt pour dire ce que sera la future autoroute électronique. C'est probablement une chose qui prendra des dizaines d'années à se réaliser. D'ici à ce que ça se fasse, l'Internet constitue pour le moment et pour un temps encore assez long encore, le seul et unique prototype d'autoroute électronique en exploitation.
En effet, l'Internet est, sur le plan organisationnel, une fédération de réseaux, et sur le plan physique un ensemble de liens de communication qui permettent aux ordinateurs clients de communiquer entre eux directement. L'Internet n'existe pas comme entité corporative autonome. Dans les faits, l'interface avec l'Internet se réalise au niveau des réseaux des membres. C'est là, en périphérie, que les services sont présentés aux utilisateurs.
La très grande majorité des utilisateurs de l'Internet doivent passer par l'intermédiaire d'un fournisseur de services pour avoir accès à l'Internet. À leur tour, les fournisseurs de services doivent appartenir à des réseaux corporatifs ou régionaux, lesquels, à un niveau hiérarchique supérieur sont connectés aux réseaux nationaux. Ce n'est en définitive qu'au niveau des réseaux nationaux que les aspects administratifs de l'Internet entrent en ligne de compte.
Cela étant, les réseaux intermédiaires au différents niveaux de même que les fournisseurs de serveurs disposent d'une marge de manoeuvre qui leur permet d'agrandir leur clientèle sans devoir à chaque fois demander des ressources supplémentaires aux entités qui sont au dessus hiérarchiquement. Comme nous le disions au début, l'Internet peut opérer et se développer sans qu'un organisme central n'ait à intervenir à chaque instant.
À titre d'exemple, il peut s'écouler un intervalle de temps assez long avant qu'un abonné du réseau téléphonique puisse avoir son téléphone, et que quelqu'un puisse le rejoindre en consultant le service d'assistance téléphonique, compte tenu de la nature très centralisée de ce service. Pour ce qui est de l'Internet, on peut ajouter des postes de travail dans un réseau local, enregistrer leurs coordonnées dans un serveur local de noms de domaine (DNS: Domain Name Server) et aussitôt, les postes peuvent être rejoints immédiatement de n'importe quel autre endroit dans l'Internet. Il ne faut pas attendre que les postes soient enregistrés dans un registre central quelconque.
* TELNET: commande permettant d'effectuer des communications interactives avec un autre site sur l'Internet. Brièvement, cette commande permet de court-circuiter les communications téléphoniques interurbaines qui sont facturées à la minute.
* FTP: commande permettant de transférer des fichiers avec un autre ordinateur (dans l'Internet on compte des milliers de sites offrant des accès FTP gratuits en mode anonyme). Il s'agit essentiellement d'un système qui permet de transporter des fichiers d'une façon plus rapide et plus directe que TELNET
* E-Mail: grâce au protocole SMTP (Simple Mail Transfer Protocol) les utilisateurs peuvent s'échanger du courrier électronique. Autour du courrier électronique, on retrouvent différents services comme les gestionnaires de listes de courrier (LISTSERV) et une foule de services annexes
* News: l'Internet comprend un sous-réseau de services nommé UseNet. Ce réseau est constitué d'un système de babillards électroniques où les usagers peuvent discuter de différents sujets. Présentement, UseNet comprend environ 2,700 conférences traitant de tous les sujets. Quotidiennement, il se publie environ 100,000 articles, ce qui représente environ 100 millions d'octets d'information
* Gopher: il s'agit d'un système distribué d'informations hiérarchisées qui peuvent contenir des références croisées entre les différentes hiérarchies. Développé à l'Université du Minnesota, ce système a commencé à être utilisé en 1992 et on compte présentement au-delà de 1,700 serveurs enregistrés dans le monde, et pour chaque serveur central homologué dans les registres centraux, il existe probablement de 5 à 10 serveurs secondaires.
* WAIS: acronyme pour Wide Area Information System. Le système WAIS repose sur un réseau de sources documentaires auxquelles on peut accéder en faisant des recherches par mots clés. Il s'agit d'un système développé à l'origine par la compagnie ThinkCom et la compagnie APPLE.
* WWW: acronyme pour Wide World Web. Il s'agit d'un système d'informations distribuées auquel on peut accéder en mode "hypertexte". Ce système a été développé à l'origine au CERN (Centre européen de recherche nucléaire) dans le but de permettre à ses 3,500 chercheurs d'avoir accès rapidement et efficacement aux résultats de recherche.
Comme on peut le voir sur cette liste, chaque système favorise une certaine forme de communication. Un utilisateur averti de l'Internet se doit d'être familier avec les différents services disponibles.
Voyons dans les grandes lignes les caractéristiques des différents services:
* Le service TELNET
Le service TELNET permet de faire des sessions interactives de télécommunication entre un usager assis devant un terminal ou un poste de travail, et des ordinateurs offrant toutes sortes de services un peu partout dans le monde, sans avoir à passer par le service téléphonique interurbain dont les coûts d'utilisation sont prohibitifs lorsqu'on doit communiquer sur de très grandes distances.
Parmi les applications les plus populaires disponibles via TELNET, on peut mentionner l'accès aux catalogues des bibliothèques des universités et des centres de recherche, ainsi que l'accès aux systèmes centraux d'information des diverses organisations gouvernementales et universitaires. Ce moyen de communication a grandement favorisé le développement des CWIS (Campus Wide Information System) partout dans le monde.
* Le service FTP
Le service FTP est utilisé pour transférer des fichiers entre le système local, où l'utilisateur possède un compte, et d'autres ordinateurs situés dans l'Internet. La venue de l'Internet a amené la plupart des organisations à mettre en service des systèmes appelés "Anonymous FTP server" où sont entreposées des données que l'organisation désire mettre à la disposition du public et que les gens peuvent consulter librement et à partir desquels ils peuvent importer toutes sortes de données.
On compte présentement des milliers de serveurs accessibles publiquement dans le monde. Pour permettre de trouver facilement ce qu'on cherche, par exemple des logiciels, il existe des serveurs appelés ARCHIE que l'on peut consulter et qui peuvent nous donner la liste des sites dans le monde où ils sont disponibles. Mentionnons en passant que le système Archie a été développé à l'Université McGill et que le serveur Archie qui dessert l'Est du Canada est présentement exploité par l'UQAM.
* Le courrier électronique
Le courrier électronique est sans aucun doute l'application la plus fréquemment utilisée par les usagers de l'Internet. Posséder une adresse de courrier électronique dans l'Internet est devenu un signe de statut social. De plus en plus de gens refusent tout simplement de communiquer autrement que par courrier électronique. Dans beaucoup de milieux, ne pas avoir d'adresse de courrier électronique, c'est être carrément exclu de certaines discussions.
Autour du courrier électronique, il s'est développé plusieurs services auxiliaires qui multiplient les avantages de ce mode de communication:
LISTSERV: il s'agit de serveurs qui permettent de diffuser à des listes d'usagers, des messages et de tenir des forums de discussion sur toute sortes de sujets. On compte présentement environ 3,500 listes importantes de discussion dans l'Internet, et pour avoir accès à ces listes, on peut consulter des listes centrales, soit dans les groupes de News de UseNet, soit dans différents sites FTP anonymes, ou encore on peut faire des recherches par mots clés sur différents serveurs WAIS.
NETFIND: il s'agit de systèmes d'informations auxquels on peut accéder au moyen du service TELNET et qui permettent aux usagers de chercher des adresses de courrier électronique. Ce service rend des services inestimables car, à cause du caractère totalement décentralisé de l'Internet, il n'existe pas de bottin central. Mentionnons en passant que l'absence de bottin central des usagers de l'Internet est la chose qui surprend le plus les nouveaux usagers qui croient que l'Internet fonctionne comme le système téléphonique.
* Le réseau USENET
USENET n'est pas à proprement parler un réseau mais un service de babillards électroniques qui permettent à l'ensemble des utilisateurs de l'Internet de publier des articles dans environ 2,700 conférences sur toutes sortes de sujets. Dans la terminologie de USENET, les conférences portent le nom de "News Group". Un article publié dans un "News Group" important peut permettre à son auteur d'être lu par plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Il se publie quotidiennement dans l'ensemble des "News Groups" diffusés par USENET environ 100,000 articles. En terme d'espace disques, ça représente au delà de 100 méga-octets d'information.
Il se crée en moyenne trois nouveaux "News Groups" par jour. Souvent des groupes sont créés à l'occasion d'événements importants sur la scène internationale: par exemple lors de la guerre du Golfe, du dernier tremblement de terre en Californie, de l'intervention de l'ONU en Somalie, etc.
C'est par l'entremise des articles publiés dans USENET que les utilisateurs peuvent se renseigner sur l'Internet et se tenir au courant des développements.
* Les services Gopher
GOPHER est un système tout à fait original qui a été développé à l'Université du Minnesota et qui permet de diffuser à la grandeur de l'Internet des informations structurées dans des répertoires hiérarchiques. L'idée géniale de ce système est de permettre d'ajouter dans les structures hiérarchiques, des liens vers d'autres structures hiérarchiques disponibles dans des serveurs Gopher ailleurs. Par l'intermédiaire des liens qui existent entre les différents systèmes, on arrive à créer un espace global d'informations dans lequel on peut naviguer pendant des heures.
On utilise le terme "Gopher Space" pour désigner l'espace informatique accessible par Gopher. On peut naviguer dans cet espace en lisant les informations disponibles dans les répertoires et en sautant d'un serveur Gopher à un autre. Lorsqu'on trouve des informations utiles, on peut les sauver dans des fichiers locaux sur son poste de travail, ou on peut marquer l'endroit où se trouve l'information à l'aide de signets que l'on conserve dans un fichier personnel. Par la suite, on peut accéder directement aux informations qui nous intéressent directement à partir des signets sans avoir à parcourir à nouveau le chemin qu'on a utilisé initialement.
Tout comme pour le service FTP anonyme que pour le courrier électronique, le service GOPHER comporte plusieurs services auxiliaires de recherche d'information, notamment le système VERONICA. Il s'agit d'un système qui joue un rôle analogue à Archie mais dont la fonction est limitée aux serveurs Gopher. Il existe présentement au-delà de 1,700 serveurs Gopher d'inscrits dans le registre central maintenu par l'Université du Minnesota.
* Les serveurs WAIS
Les serveurs WAIS sont surtout spécialisés dans la recherche documentaire. Basés sur la norme Z39.50 de l'ISO, une norme internationale conçue pour accéder à des ressources documentaires, ils permettent d'effectuer des recherches par mots clés. Au terme d'une recherche, on obtient une liste de titres de documents ordonnée par degré de pertinence, et à partir de cette liste on peut ensuite voir les contenus des documents, les importer sur son ordinateur et les entreposer localement pour consultation future.
De plus en plus, on peut accéder aux serveurs WAIS par l'intermédiaire des systèmes Gopher.
* Les services WWW
Les serveurs WWW (World Wide Web) sont une innovation récente dans l'Internet mais ils sont présentement en pleine expansion. Le concept WWW va plus loin que le concept Gopher ou WAIS. Il permet d'englober les fonctions offertes par ces systèmes, mais il permet en plus d'introduire des références de type hypertexte à même le texte. On peut ainsi obtenir des précisions sur certains mots ou certains termes en "cliquant" ou en sélectionnant directement les mots concernés. La recherche des informations ne se fait plus selon un modèle hiérarchique rigide mais selon un modèle de réseau maillé.
Les systèmes WWW étant plus récents que les systèmes Gopher et WAIS, on y a intégré les fonctions des autres systèmes. Sur le plan de la présentation des informations, les systèmes WWW sont plus sophistiqués car ils peuvent diffuser des informations de type multi-média. On trouve sur les serveurs WWW beaucoup plus d'informations graphiques que sur les autres systèmes mais cela peut amener une surcharge assez importante sur certains réseaux.
Les services WWW sont des applications idéales pour les futures autoroutes électroniques qui pourront transporter à grande vitesse des données de type multi-média.
En résumé... Comme on peut le constater à la lecture de cette liste, l'Internet est d'abord et avant tout un moyen de communication et d'échange d'informations. Créé à l'origine pour permettre à des chercheurs et à des universitaires de s'échanger des données aux États-Unis, depuis 1990, l'Internet est maintenant présent dans la plupart des centres de recherche et des universités des pays industrialisés.
Ces moyens de communication, par la rapidité des échanges qu'ils permettent de faire et par le grand nombre de personnes qu'ils permettent d'atteindre, donnent naissance à de nouveaux types d'interactions pour lesquels il n'existe pas encore de conventions bien établies. À ce niveau, tout est à faire et l'Internet est un laboratoire.
Il y a bien des règles qui sont promulguées dans les différents groupes de News, par exemple concernant l'étiquette dans les échanges sur le réseau, mais personne n'est tenu légalement de les respecter, et dans les faits, beaucoup d'usagers ne les respectent pas ou ils les contestent ouvertement.
En second lieu, le développement de l'Internet a démontré qu'il n'est pas nécessaire de mettre en place des organisations hautement centralisées et très fortement hiérarchisées pour arriver à produire des effets à grande échelle. Il suffit de mettre en place des infrastructures relativement homogènes, de mettre des l'avant des normes minimales d'échange d'information, et ensuite de laisser le milieu faire le reste. Les résultats sont maintenant là pour le démontrer.
Parmi les réalisations majeures de l'Internet, signalons les choses suivantes:
* n'importe qui peut maintenant accéder à la plupart des catalogues de la majorité des universités dans le monde ainsi qu'au catalogue de la librairie du congrès à Washington. Et on peut raisonnablement penser que dans les années qui viennent, les bibliothèques municipales pourront en faire autant. À lui seul, ce développement pourrait justifier l'existence de l'Internet;
* en plus des références sur les publications traditionnelles, de plus en plus de gens peuvent accéder à des informations d'intérêt public et qui étaient difficilement accessibles auparavant. On n'a qu'a penser aux grands musées qui commencent à diffuser des images de leurs oeuvres par l'Internet, à la NASA qui diffuse les images recueillies par les différentes sondes spatiales, et les services météorologiques, les images météo transmises par satellite, etc.;
* par l'entremise des serveurs de type FTP, Gopher, WAIS et WWW, n'importe quelle institution située dans l'Internet peut diffuser à l'échelle mondiale ses publications, ses données, ses logiciels, etc. À titre d'exemple, on peut citer la Faculté de droit qui organise ce présent séminaire, qui diffuse maintenant au moyen d'un serveur Gopher des informations juridiques de toutes sortes, incluant les décisions de la cour suprême du Canada;
* au niveau des groupes communautaires, l'Internet a servi d'inspiration et de modèle pour la création des réseaux communautaires que l'on appelle Freenet et qui commencent à se développer dans les grandes villes. Présentement, il y a deux Freenet qui sont en opération au Canada, celui de Victoria et d'Ottawa, mais il y en a une dizaines d'autres qui sont en train de se développer, dont celui de Montréal qui pourrait commencer à fonctionner à l'automne;
* dans un autre ordre d'idée, l'importance de l'Internet ne saurait se mesurer seulement par la quantité d'informations qu'il peut permettre de transporter et de diffuser. L'effet à long terme qui aura eu le plus d'importance et celui que l'on citera dans le futur, c'est que l'Internet aura permis de rapprocher les gens et de les amener à discuter de toutes sortes de sujets qui n'auraient pas été possible d'aborder avec les moyens traditionnels de communication.
Premièrement, pour les raisons historiques que nous avons énumérées plus haut, l'Internet s'est développé d'abord en milieu universitaire, et comme il est basé sur des infrastructures de communication dédiées, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de coût direct d'utilisation une fois que les infrastructures sont en place, dans la très grande majorité des cas les services sont offerts gratuitement. En fait, la plupart des organismes qui offrent à leurs membres des accès à l'Internet n'ont même pas d'infrastructures pour comptabiliser les utilisations, encore moins pour les "refacturer".
Deuxièmement, à cause de la gratuité apparente des services, les gens l'utilisent de façon intensive, et cela pas seulement pour des raisons professionnelles, mais de plus en plus pour des motifs d'ordre personnel ou privé. Avec le temps, les usagers se sont appropriés ce nouveau médium et plusieurs en sont venus à le considérer comme une propriété publique au même titre que les bibliothèques et les autoroutes, et cela en faisant fi des droits et des obligations des organismes qui leur offrent ces services. Comme à beaucoup d'endroits, il n'existe pas de fournisseurs qui offrent des accès à l'Internet sur une base commerciale, les usagers qui bénéficient de ces services par l'entremise des institutions auxquelles ils appartiennent font figure de parias aux yeux du grand public.
Avec la venue des Freenet dans les grandes villes américaines, les groupes communautaires commencent à s'impliquer très sérieusement et on parle de plus en plus d'accès gratuit à l'Internet. Si ce mouvement s'accélère, il faudra voir comment sera assuré le financement des infrastructures nationales qui risquent d'être rapidement saturées.
Au niveau des ordinateurs hôtes par lesquels les usagers passent pour avoir accès à l'Internet, la sécurité est loin d'être absolue. Il est bien connu que les fichiers de mots de passe sur la majorité des systèmes UNIX ayant accès à l'Internet, bien qu'étant encryptés et en principe indécryptables, sont accessibles aux usagers et ils peuvent donc être lus par des gens peu scrupuleux. Les usagers qui utilisent comme mot de passe, des mots du dictionnaire ou des informations personnelles pouvant être connues de tierces personnes, s'exposent à voir leur compte piraté. Une fois le mot de passe connu, les pirates peuvent alors se livrer à des tentatives d'intrusions plus graves encore et causer ainsi de graves méfaits.
Il existe même des logiciels spécialisés que l'on appelle "password cracker" qui permettent de tester la sécurité des mots de passe dans un système à l'aide d'un ensemble de dictionnaires contenant des centaines de milliers de mots. De façon à permettre aux gens qui gèrent les systèmes de tester la vulnérabilité des mots de passe choisis par les usagers, ces logiciels sont disponibles publiquement. Cela a de quoi surprendre beaucoup de gens et ce genre d'approche est très révélateur de la philosophie qui règne dans l'Internet. Plutôt que de cacher des instruments qui pourraient s'avérer destructeurs s'ils venaient à tomber entre de mauvaises mains, la solution est de les diffuser et de les rendre facilement accessibles, pour que tout le monde sache qu'ils existent et les gens puissent s'en servir pour se protéger.
Au chapitre de la confidentialité, la sécurité des données est une chose très relative et en général, elle n'est pas garantie. D'abord dans la plupart des systèmes d'exploitation, les comptes des usagers sont la propriété de l'administrateur du système et il suffit de posséder le mot de passe du responsable (l'usager ROOT dans les systèmes UNIX) pour pouvoir lire les données et le courrier des usagers. À titre de professionnel, l'administrateur du système est tenu de respecter la confidentialité des données des usagers, mais il n'est pas à l'abri de pressions de la part de son employeur, et de plus, son mot de passe peut être piraté de la même façon que les mots de passe des usagers.
À ce sujet, le gouvernement américain a mis de l'avant une technologie appelé Clipper qui devrait permettre aux utilisateurs d'encrypter leurs données selon un algorithme régi par une norme. Cette norme assure une confidentialité relativement bonne tout en permettant à des organismes de contrôle de pouvoir décrypter les messages en cas de problèmes graves. Pour éviter que les officiers de justice puissent arbitrairement décoder n'importe quel message, deux organismes indépendants seront chargés de délivrer des clés spéciales permettant de décoder les messages et de vérifier que des mandats d'autorisation ont été obtenus des autorités compétentes pour permettre le décryptage.
Le problème repose alors en grande partie sur l'autonomie politique des organismes de contrôle et sur leur indépendance par rapport au pouvoir politique. Beaucoup de personnes doutent que cela soit possible et plusieurs voudraient que l'encryptage ne soit pas réglementé. Bref, de laisser les forces du marché et de la compétition décider des meilleures solutions.
En résumé... Parti d'une initiative relativement modeste au départ d'un organisme qui subventionne la recherche aux États-Unis, au fil des ans, l'Internet est devenu le prototype du réseau de communication du village global. Ce réseau sert de plus en plus de modèle de référence pour l'autoroute électronique et comme cette dernière va prendre beaucoup de temps à se construire, l'Internet va être pour encore de nombreuses années un laboratoire vivant où se déroule toutes sortes d'expériences fascinantes pour le futur.
Cette évolution concerne toutes les organisations de même que les citoyens. Il est donc de la première importance que le gens s'y intéressent et y participent le plus activement possible.
The Whole Internet User's Guide Catalog Ed. Krol O'Reilly & Associates, Inc. ISBN 1-56592-025-2
Canadian Internet Handbook Jim Carrol and Rick Broadhead Prentice Hall Canada ISBN 0-13-304395-9